Mon témoignage en tant qu’accompagnante Asperger auprès d’élèves en situation de handicap

Les copains,

Je vais me livrer à toi plus sérieusement today afin que tu apprennes ce que peut révéler un parcours atypique chez une personne atypique. Tu sais déjà que je suis artiste peintre, mais tu ne sais pas que durant 14 ans, j’ai été accompagnante auprès d’élèves en situation de handicap (AESH) au sein d’établissements scolaires allant de la maternelle au lycée. Tout au long de cette carrière, je ne savais pas encore que j’étais Aspie, pour autant, je me suis toujours sentie en harmonie avec les jeunes qui m’ont été confiés malgré des difficultés d’adaptation en groupe. Comme tous les AESH, ma mission a été  de favoriser l’autonomie de l’élève et de contribuer à une école inclusive au quotidien.

Mes collègues et les enseignants me décrivaient souvent comme une personne méticuleuse et ponctuelle. En effet, je portais une grande attention aux règles et aux détails, ce qui avait le don d’en énerver plus d’un. Ces qualités, fréquentes chez les personnes avec autisme, sont particulièrement appréciées dans mon travail. Elles ont constitué le socle de mon efficacité en classe et m’ont aidée à créer un environnement d’apprentissage serein et structuré pour les élèves que j’ai accompagnés.

Une pédagogie fondée sur l’attention aux détails et la mémoire

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un œil aiguisé pour les détails. En classe, cela revenait à repérer le plus petit changement d’attitude ou de compréhension chez un élève. Mon attention au détail m’a ainsi permis d’identifier de subtils signaux de malaise ou de confusion que d’autres n’auraient peut-être pas remarqués. Par exemple, j’ai remarqué un jour qu’un élève pliait imperceptiblement les coins de sa feuille lorsqu’il était anxieux face à un exercice. Ce simple indice m’a alertée et m’a permis d’intervenir rapidement en le rassurant et en réexpliquant la consigne d’une autre manière.

Ma mémoire a été un autre atout majeur dans mon travail quotidien. J’ai retenu sans effort le plan personnalisé de chaque élève, leurs besoins spécifiques, leurs progrès et même leurs intérêts favoris. Grâce à cette mémoire, j’ai pu rappeler à un enfant une stratégie qui a bien fonctionné ou me souvenir d’un thème qu’il affectionne pour capter son attention. J’ai mémorisé également les consignes de l’enseignant et le contenu des cours, ce qui a fait de moi une alliée fiable en classe – capable de répéter calmement une explication ou de revenir sur un point clé à tout moment. Cette capacité à tout garder en tête sécurise l’élève : il sait que je n’oublie pas ce qui le concerne, et cela renforce sa confiance.

Constance, routine et organisation : un cadre rassurant

Depuis toujours, j’ai un profond attachement à la routine et aux emplois du temps bien établis. Chaque matin, il m’était inconcevable d’arriver en retard. Il fallait que tout soit en place avant la sonnerie. Why ? Parce que je m’épanouis davantage dans un environnement structuré et j’apprécie la cohérence d’un planning sans surprises – une préférence que j’ai partagée d’ailleurs avec plusieurs élèves ayant des troubles du spectre autistique. Suivre des routines claires et assurer une présence constante m’a permis d’offrir aux élèves un cadre stable et prévisible qui les rassure. Ils savaient à quoi s’attendre avec moi : je commençais souvent la journée en rappelant le programme, en utilisant les mêmes codes de couleur pour les matières, en rangeant toujours le matériel au même endroit. Cette constance dans mes habitudes les a aidés à se repérer et à réduire leur anxiété.

Écoute et empathie cognitive : comprendre autrement

On entend souvent dire que les personnes autistes manquent d’empathie, mais mon expérience dément ce cliché. En réalité, je ressens une grande empathie envers les élèves, les gens en général – simplement, elle s’exprime différemment. Je pourrais parler d’empathie cognitive : j’analyse attentivement les situations pour comprendre ce que l’enfant ressent et ce dont il a besoin, même si je ne le perçois pas d’instinct. Ainsi, je suis souvent très sensible aux émotions et capable de discerner les besoins. Par exemple, j’ai accompagné une élève non verbale qui semblait agitée chaque fois que le brouhaha de la cantine montait. En observant son regard fuyant et sa posture crispée, j’ai compris qu’elle était submergée sensoriellement, alors je lui ai proposé qu’on déjeune dans un coin plus calme. Ce raisonnement empathique a soulagé son stress.

Par ailleurs, j’ai fait preuve d’une grande écoute. Ayant moi-même connu la difficulté de communiquer mes émotions pendant ma scolarité, je sais l’importance d’être entendu. J’ai donc pris le temps d’accueillir la parole de l’élève, ou ses gestes quand il ne pouvait s’exprimer verbalement. Les enfants sentent quand on les écoute sans jugement ni impatience. Souvent, un élève en crise parvient à se calmer plus vite parce qu’il voit que l’on reste à son écoute, que l’on comprend ce qui ne va pas.

Ma façon de réfléchir, un peu en décalage par rapport à la norme, est une source d’ingéniosité pédagogique, ce qui est plutôt cool. Mon esprit aime explorer des chemins peu empruntés, ce qui m’a aidée à inventer des méthodes d’apprentissage originales. Parce que je n’ai pas tout à fait raisonné comme mes collègues neurotypiques, il m’est arrivé de trouver des idées inattendues pour expliquer une notion. Cette pensée « hors des sentiers battus », combinée à mon souci du détail, a alimenté une créativité dont j’ai fait profiter les élèves.

Défis rencontrés et adaptation

Bien sûr, être autiste Asperger dans le milieu scolaire ne va pas sans quelques défis. Je ne veux pas donner l’illusion que tout est facile au quotidien. Par exemple, j’ai encore du mal avec l’imprévu : un changement d’emploi du temps de dernière minute ou une activité non planifiée peut me déstabiliser profondément. Cette résistance au changement, caractéristique de l’autisme, m’a obligée à déployer des efforts conscients pour m’ajuster. Avec le temps, j’ai appris à anticiper autant que possible et à communiquer mes besoins à l’équipe enseignante. Je n’ai pas hésité pas à demander à être informée en amont lorsqu’une modification se profilait, à savoir que les conditions de travail d’un AESH sont loin d’être idéales. Nous sommes des pions que l’on place un peu à droite et à gauche.

Les interactions sociales au travail ont représenté un autre défi. Discuter avec les autres adultes, interpréter les non-dits en réunion ou lors des discussions entre collègues, tout cela m’a demandé une énergie considérable. Il m’est arrivé par exemple de prendre une remarque au premier degré alors qu’elle était ironique, provoquant un léger malaise – un classique quand on a du mal avec les sous-entendus.

Enfin, il m’est arrivé de ressentir de la fatigue sensorielle dans l’environnement bruyant et agité d’une école. Le brouhaha de la cantine, les cris dans la cour de récréation – ces stimulations intenses m’ont souvent envahie et m’ont fatiguée nerveusement. Toutefois, j’ai appris à m’accorder de courtes pauses au calme lorsque c’était possible, soit en m’isolant quelques minutes en salle des profs ou alors dans les toilettes pendant la récréation afin de “ recharger mes batteries ”. Ce n’était pas toujours évident, mais reconnaître mes limites m’ont permis d’éviter le surmenage. Dur dur quand même…

Conclusion : s’épanouir grâce à la neurodiversité

En repensant à mon parcours, je mesure le chemin parcouru. Il y a quelques années, je n’aurais pas imaginé m’épanouir autant dans un rôle aussi tourné vers les autres. Aujourd’hui, je constate que mon syndrome d’Asperger n’est pas un frein, bien au contraire : il m’a donné des outils uniques pour aider les élèves en difficulté. Mon attention minutieuse, ma fidélité aux routines, ma mémoire, mon empathie réfléchie et ma créativité ont formé un ensemble de compétences précieuses dans une classe inclusive. Je suis heureuse et fière d’avoir pu mettre ces forces au service des enfants qui en ont eu besoin.

Le seul bémol, c’est que le travail d’AESH n’est pas reconnu comme un vrai métier par l’Éducation Nationale, donc nous sommes très mal payés. Pour moi, c’était 825 euros par mois pour 24 heures hebdomadaires. De plus, comme il y a un sous effectif et de plus en plus d’élèves notifiés pour être accompagnés, nous pouvons êtres amenés à travailler auprès de 3 voire 4 élèves dans deux ou trois établissements différents.

Ce témoignage est le mien, avec mes nuances et ma sensibilité propre – chaque personne autiste a son profil. Mais j’espère qu’il illustre combien la neurodiversité peut être une richesse dans le monde éducatif. En embrassant nos différences, l’école se dote d’alliés aux talents variés, capables de compléter l’action des enseignants pour le bien de tous les élèves. Mes défis existent toujours, bien sûr, mais je les aborde désormais avec plus de sérénité, consciente de la valeur que j’apporte. Être une accompagnante Asperger ( sans le savoir à l’époque ), a été pour moi de transformer ce qui aurait pu être une vulnérabilité en véritable force pédagogique. Et chaque sourire d’enfant, chaque petite victoire au quotidien, me confirme que la place des personnes comme moi est précieuse auprès des jeunes.

C’était Katia en direct du JDA’Girl News !

Photo Katia pour le Journal d’une Aspergirl


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10 réponses à « Quand la différence devient force »

  1. Avatar de Trublion
    Trublion


    du coup j’ ai pensé à ma fille infirmière qui ne s’ occupe que de T 21 !

    Nous sommes ce que nous sommes, et devons utiliser les atouts dont nous disposons !

    Il n’ y a aucune raison de vouloir s’ adapter au regard des autres, tant qu’ on ne les dérange pas !

    Ce qui est vu comme un handicap par certain, n’en n’est pas forcément un !

    Passe une bonne journée

    Bises

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Katia

      D’autant plus que le syndrome d’Asperger n’est pas un handicap incluant une déficience intellectuelle. C’est un trouble du développement neurologique qui affecte, entre autres, les zones liées aux interactions sociales. Un syndrome d’Asperger peut être plus ou moins marqué. Il y a aussi les Asperger dits de haut niveau, ou ayant un TDAH ( Trouble du Déficit de l’Attention et de l’Hyperactivité ). Ces dit, quand tu as un Asperger devant toi, tu peux parfois ne pas remarquer qu’il est Asperger, c’est en le côtoyant au quotidien que tu vas remarquer certaines particularités. Certaines filles ont en plus l’art du camouflage social.
      Ta fille est aussi une super Woman car ce n’est pas facile de travailler… je dirai tout simplement, avec l’être humain.

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  2. Avatar de annielamarmotte

    je crois bien que le monde tournerait mieux si ta forme d’Asperger était la norme. Merci belle Dame

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Katia

      Certains sont agacés tu sais. Pourquoi ? Parce que souvent on fait les choses en tentant la perfection parce que nous sommes en grande majorité des perfectionnistes, du coup, certains n’aiment pas parce que je pense qu’ils ne se sentent pas à la hauteur ou alors c’est ce qu’ils imaginent. Pourtant, nous agissons toujours avec sincérité et sans arrières-pensées.

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  3. Avatar de Gibee


    AESH est un travail très important et si mal considéré, ceux qui décident ne se rendent pas compte de la situation, et du bien que vous apportez pour les jeunes en construction.

    Tu devais t’épanouir dans ce milieu mais aussi t’épuiser en donnant le maximum. Cela dit je ne suis pas étonné, je connaissais déjà ta grande sensibilité, tu es une personne formidable.

    Tu as une force que beaucoup n’auront jamais.

    Je suis jheureux d’avoir fait ta connaissance :)

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Katia

      Tu connais ce travail d’accompagnement Gibee ? C’est une belle mission. Je parle de mission car il n’est pas reconnu en tant que métier. Les jeunes sont formidables. Les petits sont tout mimi mimi love love, les primaires, sont en pleine découverte et remplis de questions et les ados sont absolument géniaux. ILs sont maladroits, parfois trop sûrs d’eux et parfois si fragiles. J’aurai aimé être comprise ainsi à mon époque.

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  4. Avatar de Estelle
    Estelle

    En tous les cas tu es bien consciente que la différence est une force …. tu es pleine de talents ! Et tu écris vraiment très bien c’est un plaisir de te lire ! Merci de te livrer ainsi …. Mille bisous 😘😘😘😘

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Katia

      Cela a été difficile à admettre car il y a beaucoup d’embûches sur un tel chemin. Mais je suis fière d’avoir réalisé tout ce qui fait ce que je suis aujourd’hui. Et puis tu sais que j’adore écrire depuis toujours. Alors merci à toi aussi !

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  5. Avatar de Christiane
    Christiane

    j’admire !!! une perle ma Katia 🥰

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Katia

      Merci beaucoup Christiane. Et à présent, plus de soucis pour commenter. Lâche-toi ! 😃

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Journal d’une Asper’Girl

Le blog vitaminé d’une Asperger un peu décalée mais tellement attachante.

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